Mes études universitaires m’ont marqué à plus d’un titre :

  • Apprendre des matières massives
  • Apprendre à comprendre, analyser, ne pas m’en tenir à la surface de ce qui nous semble être des vérités évidentes
  • Apprendre à garder un esprit critique sur toute chose, ne pas avoir (trop) de certitudes

Mais aussi un nombre quasi inconscient d’anecdotes, de professeurs parfois terrorisants, parfois amusants.

Je me souviens d’un prof d’histoire économique, Monsieur Gadisseur, la terreur de 1ère année. Un cours plutôt « annexe » a priori. Mais comme il s’était plus à nous le dire dès son tout premier cours, si nous connaissions parfaitement sa matière à l’examen, peut-être que nous aurions droit à une moyenne de 12/20 !

Dans mes souvenirs, outre son style flamboyant, presque « Dartagnesque », il avait enchainé en nous demandant quelle était la différence majeure, quasi unique, entre les animaux et les hommes ? Après quelques propositions de l’auditoire, toutes balayées poliment mais fermement par notre classieux conférencier, il nous avait offert la seule vraie différence entre nous : l’homme évolue par apprentissage culturel.

Autrement dit, l’homme apprend quasi instantanément de son environnement. Et il s’y adapte en conséquence. Et c’est ce qui entraine notre évolution, positive ou négative (là n’est pas (encore) le propos)).

Cette longue introduction est fondamentale.

Lorsque l’on approche la problématique du climat, partant d’un postulat quasi imposé qu’une réaction est nécessaire, j’aurais tendance à classer les « analystes » en 2 catégories :

  1. Les adaptes de la décroissance ;
  2. Les adeptes de la recherche

Quand les premiers diront que nous ne pouvons pas continuer à nous développer sur un modèle qui impose presque d’avoir toujours plus, les seconds auront envie de croire au développement technologique pour résoudre les problèmes que le développement économique induit.

Quand les premiers hurleront à l’usage ultra-excessif du plastique, des transports maritimes et aériens pour acheminer les produits, ou encore à la dangerosité de l’usage du nucléaire, les seconds s’intéresseront à l’évolution du raffinage ou, sans m’y connaitre assez pour en parler clairement, au caractère de moins en moins dangereux de l’exploitation de l’uranium.

J’ai essayé d’écrire cette dernière partie sans connotation personnelle, à la manière de l’étudiant que j’étais. Mais personne ne peut jamais dire qu’il part dans une analyse d’une feuille blanche. En théorie, si, bien entendu. Mais comme diraient les Inconnus, la théorie est un endroit où je ne suis jamais allé !

Les défenseurs les plus actifs de la cause du climat parlent de changement de mentalité. Et si, je le répète, nous évoluons par apprentissage, qu’est-ce que quelques années représentent au regard de l’humanité ? Même plusieurs générations ne représentent rien, et seront plus que probablement nécessaires pour avancer vers un nouveau modèle de « vivre ensemble ». Je suis un rêveur, voire un idéaliste, mais il faut aussi rester réaliste.

D’autant que la question est de savoir où commence et surtout où se termine les bienfaits de l’évolution technologique ? Sans la révolution industrielle, pas de réseau ferroviaire (et pas de manifestants dans les rues, à moins de s’y rendre … en voiture !!). Sans l’invention de matières qui ne sont pas biodégradables, pas d’organes artificiels pour sauver des vies !

Parlons encore de la production d’électricité. Notre approvisionnement est aujourd’hui majoritairement assuré par l’énergie nucléaire. Et comme une dogme, les défenseurs d’un changement de société voudraient laisser croire qu’en quelques années, nous pourrions remplacer la masse gigantesque de nos besoins par des énergies renouvelables … ou encore nous passer de l’usage d’une grande partie de ce qui fait notre quotidien aujourd’hui.

J’ai envie de faire une comparaison un peu hasardeuse, mais pas tant : s’attaquer à nos consommations, à notre mode de vie, à nos mentalités, c’est un peu comme s’en prendre à un alcoolique notoire ! Il sait que ce n’est pas bon, il sait qu’il doit changer. Mais il adore ça, et ce n’est qu’au prix d’un effort de chaque instant qu’il parviendra à … résister. Travailler mentalement pour se mettre à la menthe à l’eau ! Mais combien y parviennent ? Et encore une fois, à partir de quand considère-t-on être alcoolique ?!

Parfois, on m’a demandé pourquoi je ne faisais rien pour telle ou telle personne qui, manifestement, buvait trop. J’ai systématiquement répondu que si cette personne buvait, et tant que ce faisant, elle ne fait de mal à personne d’autre, qui suis-je pour la forcer à ne pas se faire plaisir, ou assouvir un de ses besoins. Quand bien même je sais que ça pourrait lui faire du mal et que je serais triste de perdre cette personne à terme … Je suis beaucoup trop attaché au principe de la responsabilité personnelle que pour dire à d’autres ce qu’ils doivent faire. Alors l’imposer …

Ou commence et où s’arrête nos obligations ? A partir de quand devrions-nous culpabiliser de notre consommation ? Quels sont nos plaisirs et pourquoi devrait-on y renoncer ? Et dans quelle mesure ?

Beaucoup s’attaquent aux transports de masse. Les bateaux cargos, le transport aérien … Pourtant, selon les chiffres, la part de ce dernier équivaudrait à un chiffre situé entre 2 et grand maximum 5% de la production mondiale de CO2. On estime que le trafic aérien va doubler au cours des 20 prochaines années. Mais … la grande majorité de cette augmentation sera due au transport local. Celui qui devrait avoir une alternative, comme le train. Sauf que tout qui a déjà pris le train connait parfaitement toutes les difficultés de ce mode de transport !

Les questions fondamentales que je me pose sont celles-ci :

  • Est-il réaliste de penser que la société entière est capable de changer fondamentalement sa manière de vivre ? Sans quoi, les efforts individuels seront vains, les « privations » inutiles ;
  • Et, au risque de choquer, à quel point dois-je m’inquiéter, personnellement, du monde de demain ?!

Est-ce là de l’égoïsme scandaleux ?! A nouveau, rapporté à l’histoire de l’humanité, notre passage est comparable à une étoile filante dans un ciel nuageux : d’une rapidité rendant son existence insignifiante et quasi invisible !

Par ailleurs, nos vies sont déjà contraintes. Certaines plus valorisantes que d’autres, bien entendu. La contrainte du travail, la contrainte de la solidarité, la contrainte de se priver, aussi, et malgré tout. Faut-il encore que je m’impose d’autres contraintes. Et si je n’en suis pas capable – ou que je n’en ai pas envie -, faut-il que l’on m’en impose ?

Je mentirais en affirmant que le catastrophisme ambiant ne m’émeut pas, ne me fait pas culpabiliser. Mais j’avoue que je commence à en avoir un peu marre qu’on me pousse à avoir honte de voyager par exemple. Découvrir d’autres peuples, d’autres paysages, d’autres cultures.

Il n’y a pas de réponses claires à mes 2 questions ci-dessus. J’accepte très volontiers de préserver la planète, pour autant qu’il ne m’en coûte pas (trop). Et j’ai tendance à croire qu’au delà des manifestation les plus bruyantes, les majorités plus silencieuses ne seraient pas rapidement de mon côté si on devait leur expliquer les diverses privations qu’elles devraient s’imposer pour atteindre les « objectifs ».

J’ai des enfants qui doivent vivre dans le monde de demain, je m’inquiète donc bien entendu de leur avenir. Mais je crois aussi à notre différence avec les animaux, et en la force de la nature. Une nature qui a toujours trouvé son équilibre, et une nature à laquelle nous avons toujours su nous adapter.

Tout comme je refuse de me morfondre dans le scepticisme général, je ne tomberai pas plus dans le fatalisme irréversible, et certaines théories affirmant que les cycles naturels de la terre expliquent tout. Et les théories du complot à grandes échelles, très peu pour moi. Donc oui, nous contribuons au réchauffement climatique. Oui. Oui, notre consumérisme nous pousse à des extravagances, comme vouloir manger des fraises au cœur de l’hiver. Oui. Oui, malgré nos grandes gueules et notre capacité à pleurnicher pour tout et rien, nous bénéficions de « matériel » proche de l’inutilité.

Mais nous ne changerons ces habitudes qu’à la marge, là où les objectifs climatiques nous demandent des révolutions. Si d’un point de vue microéconomique, je décidais de créer mon petit potager sur un terrain public, combien, des 10.000 habitants de ma commune, seraient encore prêts à venir planter, entretenir, récolter, distribuer après un probable mouvement de « hype », voire un bel article dans la presse ?! Combien serions-nous encore après 2 ans ?

Dans un article sur une visite à SeaWorld, parc de plus en plus contesté pour l’exploitation des animaux, je me posais déjà la question suivante : et si on imposait la fermeture de ces zoos, mais qu’en échange, on instaurait une taxe généralisée pour la préservation de la faune terrestre et maritime, qui voterait en faveur de ce « choix » ? Je mets un gros billets sur la réponse « quasi personne ».

Donc au final – et probablement tout autant par réalisme qu’en partie par facilité personnelle -, je préfère laisser pencher mon choix vers l’évolution technologique pour apporter des solutions. Et continuer à croire en notre profonde capacité d’adaptation.

Au final, je voudrais qu’on me laisse un peu plus profiter de ma vie et qu’on arrête de me faire croire que le monde va s’arrêter de tourner dans 20 ans si on ne révolutionne pas notre manière de vivre. Faute de quoi, on va, comme souvent, séparer le monde en deux : les pro Vs les contra, qui s’opposeront dans une espèce d’idéologie infecte, chacun voulant défendre son drapeau.

Il y a quelques mois, j’ai entendu un philosophe expliquer que la jeunesse se cherchait une identité. Chaque époque a besoin de son combat. L’écologie serait une espèce de lien entre nous, un but commun. Mais je ne le dis pas de manière péjorative ! Sans conscientisation, les excès deviendront la règle. Et quand les abus deviennent « normaux », ils mènent aux guerres.

Je me pose simplement la question : les divers camps cherchent-ils « l’équilibre » ? Et si oui, quel équilibre … ?

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