Il est impossible de parler de l’enseignement sans parler des enseignants. Mais qu’il est difficile de parler des enseignants !

L’enseignement est un débat sans fin. Sa partie visible, en Belgique, est souvent occupée par le principe de la mixité et du choix de l’école secondaire de ses enfants. On parle du manque de moyens, on parle des élèves, les médias « s’amusent » à comparer les compétences entre les wallons et les flamands, entre les belges et les étrangers ; ils s’amusent des classements internationaux.

Mais de mémoire, jamais (ou presque, accordons le bénéfice du doute) on ne s’attarde sur les enseignants. Et de là, le système des nominations.

Que ce soit clair dès le départ : je n’y connais quasi rien à ça. Juste que quand un prof est nommé, il doit quasi tuer père et mère pour risquer son poste ! Une protection qui a certainement ses vertus. Comme celle de ne pas tomber dans un enseignement privatisé, alors que l’on parle clairement, pour moi, d’un service public.

Mais au risque de m’attirer les foudres des principaux intéressés, comme c’est souvent le cas dès qu’on les titilles, puis-je aussi émettre une critique quant à ses vices ?!

J’ai 2 enfants de 16 et 12 ans. Je suis plutôt (très) satisfait de leur parcours et de leurs écoles. Nous tentons, leur mère et moi, de les rendre les plus autonomes possible, de n’intervenir que quand nous percevons des signaux qui nous poussent à le faire.

Notre aînée vit ses premières difficultés. Même si d’après ses profs, ça n’en sont pas …

Comme beaucoup d’ados, notre fille n’est pas une passionnée des cours, mais elle est studieuse. Certainement pas enjouée par ses choix, elle a choisi ses cours à option plus par élimination que préférence. Bref.

En début d’année, lors du premier cours d’une de ses options, un prof lui a dit que s’ils avaient une moyenne de 12, c’était très bien … !

Alors à ce stade, il me semble que la question fondamentale à se poser est de savoir ce que nous attendons de l’école ?

Chacun donnera son avis bien évidemment. Voici le mien : j’attends de l’enseignement qu’il rende mes enfants curieux !

Curieux d’apprendre, de comprendre. Curieux de découvrir. Curieux du monde, de ceux qui les entoure. En aucun cas je n’attends qu’il se substitue à nous, à notre éducation. Mais nous sommes de parfaits compléments, lui et nous, des bases à apporter à nos enfants pour les orienter dans la vie qu’ils désireront ensuite mener.

Comme la religion, pour moi, nous pouvons leur montrer un certain chemin, de croyance ou pas. Mais avec une ouverture suffisante pour qu’ils décident ensuite de leur voie.

L’enseignement secondaire doit ouvrir leur esprit pour qu’ensuite chacun se spécialise dans la matière qu’il « affectionne » le plus.

Et, peut-être, les préparer. Peut-être …

J’ai toujours eu assez facile pour réussir jusqu’à mes 18 ans. Trop, probablement. Lâché ensuite dans un monde de libertés et d’émancipation, j’ai perdu 2 années à me convaincre que je devais faire quelque chose avant de conscientiser que je devenais un adulte et, partant, que je devais prendre mes responsabilités. J’ai alors réussi mes 4 années universitaires sans sourciller. Non pas que j’avais les bases pédagogiques, mais il FALLAIT que j’avance.

Et quand le premier prof du premier cours a clamé à l’auditoire que

  1. Si nous connaissions parfaitement son cours, peut-être que nous aurions une moyenne de 12/20
  2. Les premiers à avoir peur serait les premiers, voire les seuls à réussir,

… il ne savait probablement pas que j’étais alors le plus conscient du poids de ses mots !

Mais j’étais alors universitaire. J’avais fait mes choix, mûris. En tout cas à un âge où on demande qu’ils le soient.

2 ans auparavant, je m’étais présenté à l’examen d’entrée des ingénieurs-architectes, confiant des 10 heures de math que je me tapais depuis 2 ans par option personnelle. Pour me vautrer avec un minable 22/100 !! N’étais-je pas suffisamment prêt, ou pas assez mature ? Et pourquoi voulais-je faire ingénieur-architecte ?

Parce qu’on me disait que j’en étais capable, parce que j’avais passé un test m’informant que j’étais fait pour ça, et pour un tas de justificatifs plus ou moins valables. Pourtant, 2 ans plus tard, malgré la réussite de ma seconde première, j’étais paumé. Je voulais abandonner, mais surtout j’avais perdu confiance. Ce n’est qu’une rencontre et une longue discussion qui m’ont réouvert les yeux …

Alors quand ma fille se met à pleurer parce qu’elle ne comprend pas ses cours à option ; quand elle se met à chercher sur Google des explications pour tenter de ne pas planter ses examens dans ces mêmes cours ; quand elle est stressée de ses propres choix, et qu’elle perd toute confiance en elle au point de craindre de rater son année : quand je passe des journées et soirées entières à réviser avec elle sans pouvoir beaucoup l’aider sur base des supports qu’elle me présente. Alors j’interviens.

Je vais dire au prof que je ne suis pas certain que l’objectif que j’attends de l’école, soit éveiller sa curiosité, soit bien atteint. Je vais dire au prof que quand une gamine se prend un 54/100 à un examen, et que je dois la rassurer en lui disant qu’elle est dans la moyenne haute de la classe, je ne trouve pas ça très constructif d’un point de vue pédagogique.

Je ne suis pas du tout du genre à m’en prendre aux autres. Pas du tout du genre à rejeter toute responsabilité sur les profs. Et encore moins à ne pas attendre un certain niveau d’exigence pour pousser mes enfants vers l’avant. Mais si on les tire vers le bas, j’estime que le débat de l’efficacité des méthodes vaut d’être mené.

Quand on ne rend pas mes enfants curieux d’apprendre et de comprendre, on les dégoute. On n’en fera pas, à leur âge, des passionnés de physique, de biologie, ou de math. Mais a contrario, des profs passionnants, pédagogiquement au point, rendront inévitablement nos enfants curieux. Je suis toujours amusé de constater comment, pour un même cours, d’une année à l’autre – et bien entendu d’un prof à l’autre – ma fille peut caracoler en tête puis s’effondrer subitement ! Et ça me rend nostalgique …

Car si je ris encore de certains cours qui m’ont littéralement effrayé, je me souviens surtout de supers profs. Ceux qui m’ont passionné de matières pour lesquelles je n’avais aucun atome crochu a priori.

Alors s’il vous plait, à tous les profs qui n’ont pas encore intégré l’importance cruciale de leur rôle … S’il vous plait, rendez mes enfants curieux de tout. Vous ne les ferez pas avancer en les traumatisant, en les découpant, en les saignant. Ou en cherchant à les préparer à d’éventuelles études supérieures par des prérequis qu’ils oublieront aussi vite que leur cauchemar de vos feuilles indéchiffrables leur feront vivre.

Si vous voulez les préparer, donnez-leur « simplement » le goût de ce vous faites ! Le goût de prolonger ce que vous faites quand vous sortirez de leur vie. Elle sera là votre plus grande fierté.

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